Le plan d’affaires : quand, pour quoi, pour qui ?

29 mars 2022 – par Sophie Boulerice


La rédaction d’un plan d’affaires est une étape déterminante pour la réalisation de votre idée d’entreprise. Loin d’être un document statique destiné uniquement à être présenté à des investisseurs et à des bailleurs de fonds, c’est un outil dynamique qui vous permet de prendre du recul sur votre projet, de l’analyser sous toutes ses coutures et de développer votre vision à long terme. Il est incontournable pour démarrer votre projet et vous sera utile à différentes étapes de votre projet.

S’il s’agit d’un outil que l’on associe plus souvent aux entreprises commerciales, le plan d’affaires est tout aussi précieux pour développer des projets au sein d’entreprises d’économie sociale et d’organismes à but non lucratif (OBNL). Le vocabulaire peut éventuellement changer pour ainsi parler de bénéficiaires, de participant(e)s, ou même de donateur(rice)s plutôt que de client(e)s. Cela dit, les grands principes demeurent les mêmes. Au bout du compte, c’est un outil qui sert à assurer la pérennité d’un projet, peu importe le(la) porteur(se) du projet.

Pour qu’il soit rentable et viable, votre projet doit se développer dans le but que les revenus (en dollars) associés aux ventes (en nombre) et aux investissements (en dollars) soient exponentiellement croissants. En d’autres mots, l’organisation de votre travail doit vous permettre d’aller chercher de meilleurs revenus pour moins de travail pour ainsi gagner en efficacité.

Passionné(e)s et ambitieux(ses), plusieurs agriculteur(rice)s urbain(e)s (et entrepreneur(se)s en général démarrent leur projet sans plan d’affaires. Les premiers pas de l’entreprise se font souvent assez aisément : les contacts des entrepreneur(se)s, ami(e)s, familles et connaissances permettent de démarrer la production et de faire les premières ventes. Peu de temps après cette étape relativement aisée, il faut poursuivre la lancée et la côte est plus abrupte ! Votre plan d’affaires est là pour vous aider à vous y projeter. Puisqu’il s’agit de la phase de votre entreprise où la rentabilité commence, il est crucial pour la survie de votre projet et la réalisation de vos ambitions !

Plan d’affaires ou canevas de modèle d’affaires ?

Certain(e)s se questionnent sur l’utilité d’un plan d’affaires après avoir bâti un canevas de modèle d’affaires. Doit-on avoir les deux ?

Le canevas de modèle d’affaires, souvent nommé en anglais dans les milieux d’affaires Business Canvas Model (BMC), est un modèle simplifié qui permet de voir d’un seul coup d’œil tous les aspects de votre entreprise. Cela est très utile pour brosser un premier portrait de votre projet et de visualiser ce qui doit être pris en compte dans votre planification. Ceci étant dit, il est nécessaire d’étoffer davantage et, surtout, de chiffrer vos prévisions. Cela se fait dans votre plan d’affaires. En règle générale, le canevas sert à votre entreprise, mais il peut aussi se révéler être un outil de présentation efficace pour des partenaires éventuels qui ne désirent pas avoir les fins détails de votre projet au premier abord. Pour une entreprise déjà en activité, le canevas de modèle d’affaires peut aider à la prise de décision. Par exemple, avec la pandémie et la fermeture des restaurants, plusieurs producteur(rice)s se sont lancé(e)s dans la vente directe via le commerce en ligne. Afin d’analyser l’effet de cette nouvelle mise en marché sur l’entreprise, le canevas permet de considérer tous les aspects de cette dernière en relation avec les autres. Par exemple, doit-on réorganiser ses ressources humaines ? Embaucher ? Comment cela fera-t-il évoluer la relation avec les clients ?

 
 

Un outil pour l’entrepreneur

Il est possible que vous sentiez de la pression extérieure pour rédiger votre plan d’affaires. Cela dit, le(la) ou les principaux intéressé(e)s de votre plan d’affaires devraient être vous-même et vos partenaires, s’il y a lieu.

De l’étape d’idéation de votre projet jusqu’à sa consolidation, votre plan d’affaires vous fait prendre un pas de recul par rapport aux nombreuses décisions que vous aurez à prendre pour votre entreprise. Possédez-vous les connaissances théoriques et pratiques pour gérer tous les aspects de votre projet ? Avez-vous les capacités humaines, financières et techniques pour concrétiser votre production ? Quelle ampleur votre projet doit-il avoir pour être viable ? Soyez honnêtes avec vous-mêmes. Cet exercice vous permettra de mieux vous connaître comme personne et comme entrepreneur(se). Il se peut que vous réalisiez, en cours de rédaction, qu’un aspect donné de votre projet implique des décisions que vous n’aurez pas envie d’assumer. Par exemple, vous pourriez devoir trouver un(e) ou des associé(e)s pour gérer les différents volets de votre entreprise alors que vous êtes plutôt du genre travailleur solitaire. Vous pourriez également réaliser qu’une grande équipe est nécessaire pour produire suffisamment et être rentable, alors que vous n’avez aucune envie de gérer des ressources humaines. Ou encore, si votre modèle implique beaucoup de relations publiques et que vous êtes une personne plutôt introvertie, vous risquez de ne pas vous épanouir.

Le pas de recul que vous donne le plan d’affaires vous aidera à aller au-delà de votre idée initiale et de cerner les opportunités dans votre secteur de production. Quels sont les besoins non satisfaits de votre clientèle ? Quels sont les créneaux laissés vacants par vos compétiteur(rice)s ? C’est ainsi que votre proposition se raffinera et se transformera en un projet concret et crédible. De plus, vous serez plus en mesure de voir les risques liés à votre projet. Ceux-ci peuvent être d’ordre financier ou légal, manque de temps pour faire de la recherche et du développement (particulièrement si vous défrichez un domaine de production en émergence), dépendance sur une technologie qui demande un soutien professionnel particulier, etc.

Bref, votre plan d’affaires est une feuille de route. Beaucoup de facteurs entourant votre entreprise sont hors de votre contrôle. Les préférences du marché, les actions de vos compétiteur(rice)s, l’arrivée de compétiteur(rice)s et l’environnement légal en sont quelques exemples. Si certains de ces facteurs venaient à changer, quel serait votre plan B ? Dans le feu de l’action, il sera bien plus facile de réagir à ces imprévus si vous y avez pensé d’avance. Et ce sera bien moins anxiogène !

Finalement, pour les entreprises avec plus d’un(e) fondateur(rice), le plan d’affaires est un excellent moyen de vous assurer que tou(te)s les entrepreneur(se)s ont la même vision à moyen et long terme. En rédigeant ce document commun, vous prévenez d’éventuels conflits, malentendus et situations désagréables. Un peu comme dans un contrat de mariage, il vaut mieux s’entendre sur les détails quand les relations entre les partenaires d’affaires sont bonnes !

 
 

Un outil pour les bailleurs de fonds

Quand arrive le moment d’aborder des institutions financières ou de trouver des investisseur(se)s, une bonne préparation fait toute la différence.

Votre passion peut séduire, mais c’est votre structure qui convainc. En prenant le temps de réfléchir en profondeur à votre projet, ses implications et l’orientation que vous voulez lui donner, vous serez en mesure d’exposer votre idée avec clarté et concision à vos interlocuteur(rice)s. Il ne suffit pas seulement de faire un bon pitch de vente, il faut savoir répondre aux questions et aux préoccupations de vos potentiels partenaires financiers. 

Un plan d’affaires bien rédigé envoie un message favorable à votre égard. Cela est d’autant plus vrai pour les jeunes entrepreneur(e)s sans expérience ou formation, que ce soit en gestion d’affaires ou en production. En exposant que vous connaissez votre projet sur le bout de vos doigts, incluant ses points forts et ses points faibles, vous prouvez votre honnêteté. En démontrant que vous connaissez votre marché et que vous avez étudié non seulement ses tendances fortes, mais aussi ses tendances éphémères, vous inspirez confiance. Vous êtes alors en bonne position pour convaincre des bailleurs de fonds de la valeur de votre proposition.

En étant transparent sur vos forces et vos faiblesses et en admettant que vous aurez besoin d’aller chercher du soutien auprès de divers conseiller(ère)s et mentor(e)s, on vous partagera peut-être d’excellentes ressources que vous n’auriez pas eues autrement ! Soyons honnêtes, la majorité des bailleurs de fonds s’intéresseront d’abord à vos chiffres : le volume de vente, les revenus prévus, les dépenses impliquées et le seuil de rentabilité. Toutes les autres sections de votre plan d’affaires viennent en appui à vos prévisions financières. Il ne suffit pas d’affirmer que vous ferez un certain volume de vente. Il faut expliquer comment vous allez y arriver, avec quelles ressources et selon quels arguments votre clientèle vous choisira plutôt que vos compétiteur(rice)s.

Les trois pièges à éviter

S’il peut être tentant d’embellir la réalité en rédigeant son plan d’affaires, prenez garde ! Les conseiller(ère)s et investisseur(se)s qui lisent ce type de document à longueur de journée sont aguerri(e)s pour débusquer les incongruités. Au risque de se répéter, on ne pourrait trop insister sur l’importance d’être honnête et réaliste.

1 — Un plan d’affaires trop ambitieux ne sera pas crédible si les moyens ne suivent pas les ambitions. Faites des projections conservatrices, allouez les ressources nécessaires à la réalisation de vos prévisions et laissez-vous le temps de démarrer ! Votre production n’atteindra pas un sommet la première année, c’est normal. Aucune entreprise ne fera un demi-million de revenus dans sa première année avec un seul employé et en ne partant de rien. N’oubliez pas qu’un plan d’affaires n’est pas un modèle théorique de votre entreprise, mais plutôt un outil critique pour assurer sa pérennité.

2 — Sous-estimer ses concurrent(e)s. L’offre alimentaire est très vaste et votre compétition ne s’arrête pas seulement aux producteur(rice)s urbain(e)s de votre filière. Pour la plupart des producteur(rice)s, vous serez aussi en compétition avec tous les détaillants ou grossistes en alimentation offrant votre produit. Il se peut également que votre produit soit en compétition avec un produit différent, mais qui comble le même besoin. Vous n’avez pas à analyser tous ces concurrent(e)s dans votre plan d’affaires, mais vous devez être conscient(e)s de cette réalité.

3 — Oublier d’inclure les pertes.. Aucune production alimentaire n’est zéro perte. Les pertes peuvent se produire à l’étape de la production (infestation de ravageurs, maladies ou erreurs humaines), de la vente (marchandise périssable non vendue), ou du transport (marchandise abîmée lors de la manutention et de la livraison).

Dans tous les cas, évitez d’être vague. Pour vous aider, gardez en tête l’acronyme SMART souvent utilisé pour établir des objectifs : stratégiques, mesurables, réalisables, réalistes, et ciblés dans le temps.

Le plan d’affaires, du démarrage à la croissance

Votre plan d’affaires est un outil dynamique. Ce que vous y inscrivez maintenant peut être appelé à changer avec le temps, et c’est normal.

Même si elles changent avec le temps, les informations que vous consignez dans votre plan d’affaires n’en sont pas moins pertinentes dans le présent. Elles serviront quand même à vous guider dans les décisions à prendre à court et moyen terme. Une fois rédigé, ne le reléguez pas au fond d’un tiroir !

Après avoir été en affaires depuis quelque temps, il y a fort à parier que le plan qui vous a servi à démarrer ne reflètera plus aussi bien votre projet. Une mise à jour de votre plan vous permettra de constater si vous avez atteint vos objectifs et si les moyens pour y arriver sont toujours pertinents. La révision d’un plan d’affaires est par ailleurs un exercice beaucoup plus facile que sa première rédaction. Vous connaissez mieux votre produit, votre public, vos rendements, et vous-mêmes ! Vous partez d’une base solide et vous serez à même de constater tout le chemin que vous avez parcouru depuis le démarrage de votre entreprise.

Si personne ne s’entend sur la fréquence idéale pour réviser un plan d’affaires, il est clair que certaines circonstances l’imposent :

  • un changement majeur dans l’écosystème de l’agriculture urbaine, par exemple l’arrivée de nouveaux(lles) joueur(se)s dans votre secteur de production ;

  • la réorientation de votre production ;

  • la recherche de financement ;

  • une hausse importante de vos dépenses (ou de vos revenus).

Un point de départ

Vous l’aurez compris : si vous avez une idée d’entreprise agricole urbaine, il n’est jamais trop tôt pour commencer votre plan d’affaires !

Après l’idéation de votre projet, le plan vous aidera à ordonner vos idées. Il vous donnera également l’occasion de considérer les aspects pratiques de votre projet afin d’évaluer sa faisabilité et votre volonté à aller de l’avant. Si la tâche vous semble intimidante, n’hésitez pas à commencer par un simple canevas de modèle d’affaires pour visualiser votre projet dans son ensemble. La rédaction du plan à proprement parler en sera facilitée. Le plan d’affaires est votre point de départ pour discuter avec les conseiller(ère)s en entrepreneuriat, en finance et en agriculture urbaine. En partageant votre plan avec eux(elles), vous les outillez pour qu’il(elle)s comprennent bien votre projet. Cela peut faire toute la différence sur la pertinence de leurs conseils !

Prêt(e) à vous y mettre ? Allez voir le canevas de modèle d’affaires du MAPAQ et le modèle de plan d’affaires de MontréalCulteurs.

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